

En effet les copains, pour une remise en selle ce printemps, je reconnais que j'ai pas choisi le plus facile

Je vais donc avoir grandement besoin pour cet esssai un peu à part pour moi de mes deux inséparables assistants :


Retour aux raisons de ce choix : je commence à bien connaître la gamme Yamaha avec le bicylindre CP2 sur les 700, et mon préféré le trois-pattes CP3 des 900, que je vais retrouver sur une Tracer 9 GT+ pour une nouvelle belle virée en juin.
Alors, essayer une MT09 ou une XSR900SP pour varier ? pourquoi pas à l'occasion...
Mais à l'approche de mes 60 berges, il reste un moteur mythique dont le caractère et le son m'ont toujours titillé les sens : le fameux 4-cylindres 1000 Crossplane de la R1.
Mais la R1 est arrivée aujourd'hui à un tel niveau de puissance (200ch) que je ne me sens pas d'enfourcher une telle hypersportive

Alors, la MT10 avec le même moteur en version (légèrement) assagie, est-ce que je me laisse tenter, avant que ce moteur disparaisse inéluctablement du catalogue ? allez, lançons-nous !
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Mon commercial préféré de la conc' Yam de Grenoble prend le temps de bien m'expliquer les différences entre les différents modes. C'est important pour savoir à quoi m'attendre en sélectionnant chacun de ceux-ci.
Ils sont au nombre de 4 (A à D), que l'on peut programmer en agissant sur les curseurs de 6 ou 7 (je crois) paramètres différents : réponse à l'accélérateur, anti-patinage, anti-wheeling, limitation de puissance, etc
Je retiens globalement que le D est le plus soft avec les "béquilles" réglées au max pour ne pas se faire de frayeur sous la pluie ou pour se rassurer en mode lopette. Le C a été réglé sur un mode intermédiaire pour plus de sensations. Le B offre toute la puissance mais avec des protections à un niveau raisonnable et enfin le A est le plus débridé (mais quand même quelques curseurs pas au max aujourd'hui).
Pour le reste des commandes, je suis en terrain connu par rapport aux Tracer 9. Alors allons-y, je prends le temps de bien prendre mes marques au niveau position (la selle est à 835 mais je pose les pieds presque à plat, cool) et réglages rétros + leviers et c'est parti.
Dès les premiers mètres, effectués en mode D, je me sens vite rassuré : la moto est parfaitement maîtrisable en ville, toutes les commandes sont impeccablement dosables, à commencer surtout par l'accélérateur.
Après avoir effectué les premiers changements de rapport en utilisant le levier d'embrayage, je m'aperçois que le shifter est tout-à-fait utilisable en ville même sans être haut dans les tours, pour peu de ne pas descendre trop bas quand même.
De toute façon, on sent que le moteur n'est pas conçu pour être exploité dans les bas régimes et on l'emploie très naturellement en ville en se contentant des 3 premiers rapports au-delà des 3000 trs/mn.
Bref, entre ce sentiment rassurant, la position de conduite qui me convient super bien et un poids-plume pour une 1000, je me sens prêt à aborder la route qui commence à monter vers Belledonne. Seule l'agilité est moindre, sans surprise, que sur une Tracer 7 ou 9, lié sans doute principalement aux caractéristiques des pneus pour contenir les assauts du moteur et à la géométrie réglée plus stable.



Effectivement, je suis obligé de laisser les BAR prendre du champ pour tâter des accélérations.
Sans monter beaucoup dans les tours, j'entrevois déjà le potentiel de la bête, à commencer par une allonge proprement incroyable : le moteur ne cogne pas même si on descend dans les 2000 trs ...et la zone rouge est à 11500/12000 !

Et quelle réactivité : quelques petits créneaux de dépassement et hop on saute une BAR à peine le temps de mettre le cligno. Wouf ça promet

Nous voilà à Uriage, les choses sérieuses peuvent commencer. Un petit arrêt après le rond-point et nous voilà en mode B.



En effet, la moto arrive vite dans les courbes mais le comportement est parfaitement sain et naturel, on sent une marge énorme. Le premier virage en épingle se passe très facilement ; j'ai préféré descendre en 1ère pour éviter le sous-régime, l'accélérateur reste parfaitement dosable et ça semble le rapport ad-hoc pour ce type de virage. Par contre, gare à y aller progressivement sur la sortie parce que là, les canassons et les mètres-kilos déboulent en force et c'est pas le moteur qui vous incite à passer rapidement le rapport supérieur.
La moto est vraiment et paradoxalement sécurisante avec ce sentiment de marge au niveau du comportement, équilibre et tenue de route et ces commandes toutes bien dosables.
On sort de la zone urbanisée et la route s'élargit, avec davantage de virages larges et quelques belles lignes droites.


De ce côté-là pas de souci. En restant concentré et avec le regard là où il faut, la moto se place facilement. Le frein arrière est lui aussi parfaitement dosable et efficace pour ajuster la vitesse en entrée de virage.
Booon, voilà de belles lignes presque droites et avec une bonne visi, essayons d'aller voir au-delà de la plage verte du compte-tours (de 4-5000 à 6-7000 tours il me semble).
Eh bien comment dire ? si jusque-là j'étais resté dans des sensations déjà vécues avec des motos déjà bien performantes, de la Versys 1000 à la Tracer 9, avec les bras qui tirent bien fort à l'accélération, maintenant je bascule dans ...autre chose

Monter haut dans les tours (j'ai dû prendre 9500), même sans ouvrir brusquement en grand, avec une moto de 166ch, ça expose à des sensations physiques et mentales qui sortent du commun, en tout cas pour moi : les organes qui se tassent dans le ventre, les yeux au fond des orbites (image souvent utilisée mais je comprends maintenant), le regard qui se sent happé vers le bout des lignes droites, qui se terminent à peine après avoir commencé, l'angle de vision qui se limite à quelques degrés de part et d'autre de l'axe central (réalité physique d'ailleurs), la nécessité vitale ressentie de garder le bon dosage de ses gestes mains-cuisses-pieds pour rester sur le bitume. Bref, on n'est plus vraiment dans le domaine du raisonnable sur route ouverte pour ce qui me concerne.


Bon-bon, un petit arrêt aux Seiglières et je passe en mode A. Mais juste pour voir hein...



C'est reparti pour quelques épingles et lignes droites. La force n'est pas supérieure au mode B, qui offre déjà toute la puissance, mais la moto est réglée très "directe" : on a vraiment le sentiment de tenir le papillon des gaz dans la main et le comportement est vraiment incisif. Je ne pousse pas plus loin la limite car je sens que je serais incapable de garder des trajectoires sûres ; et avec la montée en altitude, quelques traces d'humidité de la fonte de neige apparaissent par-ci par-là.
Il est temps de s'arrêter à Casserousse -


La redescente sur Grenoble est tout de même l'occasion de profiter pleinement des autres qualités de cette superbe moto : un freinage aussi puissant que dosable à l'avant comme à l'arrière, un shifter très agréable à utiliser à la montée comme à la descente. On ne ressent le besoin de doser avec l'embrayage que dans les évolutions à très basse vitesse.
Et je vais vous surprendre : une des qualités majeures de cette MT10 (version standard essayée, pas la SP), c'est son compromis en termes de confort : jamais de coup de raquette, irrégularités de la route et autres dos d'âne avalés sans trépidation, vraiment, chapeau Yam !
Rien de spécial au niveau de la selle : position, maintien, confort = RAS
Même la visi dans les rétros est correcte même si le guidon n'est pas celui d'un trail.
Bon, au terme de cet essai, résumons : cette MT10 est une moto objectivement excellente, par son moteur fantastique, réglé parfaitement pour un roadster très sportif, ses qualités routières et ses commandes toutes dosables. Et peut parfaitement être pilotée à rythme cool ...mais hélas quelle frustration !
En tout cas, je viens clairement de toucher du doigt mes limites en moto.
Et je ne suis pas allé chercher les derniers tours.
Et je n'ai pas ouvert brusquement en grand avec des chances très probables de lever la roue avant à tous les coups en sortie de virage sur les modes B et A ; j'ai vu une vidéo d'un gars qui monte l'Espigoulier en MT10 SP avec la roue avant la moitié du temps en l'air

Et j'étais avec la version 166ch du moteur, j'ose même pas imaginer les 200ch de la R1

Bref, je suis super content d'être arrivé à gérer cette bécane sportive sans la piloter comme un cochon mais le mérite en revient plus à la moto qu'à moi-même.
J'aurai donc vécu ça dans mon parcours de motard et j'en resterai là pour ce type de bécane pour rester "plutôt vivant que devant".
Et je déconseille formellement à un jeune permis de chercher à faire joujou avec ce type de moto : rester sur la route demande une bonne maîtrise de ses gestes, de ses émotions et beaucoup d'humilité quant à ses propres limites physiques et mentales.
Voilà, peut-être que nos plus jeunes potines et potos (Lulu, Nini, Néo ?

Quant à moi, je retourne à mon plaisir de la moto-voyage en trail




- Ben, ouais !


- Ben, non
