
Cette machine de 750 cc de cylindrée donc, n’était pas en fait la première 6 cylindres en ligne à exister. Se souvenir par exemple de la Honda 6, de 250 cc, machine de course particulière mise sur les circuits en 1966 :

Mais par contre, la Sei fut la première 6 cylindres produite en série, et ce en 1975. En privilégiant le 6 en 6 (Six cylindres, six pots d’échappement) sur un « berlingot » à l’allure proche, visuellement, du célèbre Four Honda plus ancien, Benelli tapait fort :

I) Faisons d’abord un petit historique sur la marque au lion :

Benelli est né en 1911, de la volonté des 5 frères Benelli, et surtout de leur mère Teresa, qui investit toutes les économies de la famille, dans la création d’un atelier de réparation auto et moto. Progressivement, suite à la difficulté de trouver des pièces d’origine, l’atelier se met à en fabriquer, jusqu’au jour où un premier moteur, de 75 cc, est créé en 1920, pour s’adapter à un cadre de bicyclette…
Puis vient la première moto, de 98 cc. On est alors en 1921. Le succès grandissant, les cylindrées vont faire de même :

Benelli entre ensuite dans la compétition moto avec succès, de 1927 à 1932. L’un des fils Benelli, Antonio dit « Tonino » remportant des victoires au guidon des machines portant son nom de famille. Hélas, sa carrière s’arrêtera en 1932 : il est alors victime d’un accident qui lui coûte la vie.

Plus tard survient la seconde guerre mondiale, et l’usine est totalement détruite. Pourtant elle va renaître de ses cendres, et va même employer des pilotes célèbres pour la représenter en course, tel Renzo Pasolini :

En 1969 Benelli est champion du monde en catégorie 250 cc. Au début de 1970 c’est hélas la déchéance, les affaires vont mal et l’usine doit fermer. Elle est cependant sauvée, car elle est rachetée par Alejandro de Tomaso (Celui des voitures De Tomaso). C’est à ce moment que va naître le projet de la Benelli Sei. La moto va apparaître dès 1972 au Salon de Milan, puis dans divers autres salons, mais il faudra attendre trois ans avant qu’elle ne soit commercialisée.
II) Janvier 1975 : l’essai de Moto-Journal
La revue présente pour la première fois un essai et une analyse des caractéristiques de cette moto pas comme les autres, et pas encore non plus vendue en France. (Des problèmes d’importateur…)


Que vaut donc cette première « 6 pattes » de série, vendue à tout un chacun ? (enfin presque, vu son tarif élevé semble-t-il…) L’essayeur pense comme moi à une moto pour la frime. (De Tomaso ne cache d’ailleurs pas qu’il a voulu produire l’équivalent d’une Ferrari, mais à deux roues...)
Cependant il va assez vite changer d’avis : la Sei se révèle agile, elle est une vraie sportive, facile et amusante à piloter néanmoins, quasi sans défauts selon lui. (Ca on en reparlera plus loin…)

Le moteur ne souffre d’aucune inertie (Avantage d’un 6 cylindres) : la moto grimpe et descend très vite dans les tours. Il faut même composer avec la poignée de gaz, pour éviter de se faire surprendre. Ce moteur est bien large certes, mais surtout de l’avant. Au niveau des jambes, machine et moteur ne gênent en rien le pilote, et la « bête » se contrôle donc facilement. Quant à la souplesse de ce moteur, c’est autre chose : il faut attendre 4000 à 5000 trs/mn. pour que les chevaux soient vraiment délivrés.

Après, quand vous accélérez, le moulin semble « ne jamais vouloir s’arrêter de monter en régime », et dépasse facilement les 10.000 trs./mn. La vitesse maximum, pas habillé en barbour, ni couché sur le réservoir,

L’essayeur a une bonne surprise aussi concernant la tenue de route, quasiment irréprochable, même dans des conditions extrêmes d’utilisation, alors que de vilains bruits avaient couru il y a peu… (Mais il y eut entre-temps un échange de pneus, la première dote n’étant pas bonne)

Revue de détails :
La clef de contact est cachée sous l’avant gauche du réservoir, à la mode de l’époque. Pas de kick, mais il peut néanmoins être monté en option. Le starter est situé sur le carburateur de gauche, facilement accessible. On dispose des deux béquilles, bien conçues. Le poids, 220 kg à sec; la garde au sol est bien calculée également, les tubes ne peuvent que « frotter légèrement », en courbe prise avec beaucoup d’angle. (L’essayeur se fait d’ailleurs peur en poussant l’angle, sans rien toucher, mais en partant de la roue avant. Pas bien, vu le tarif de l’engin!)
Le freinage est confié à deux disques Brembo à l’avant, un gros tambour à l’arrière, mais… la pédale actionne un disque avant en même temps que le tambour. (Eh oui, déjà. Le CBS de nos CBF1000FA n’a au final rien d’innovant.)

Les suspensions sont fermes, efficaces, assurent confort et tenue de route. L’avant et l’arrière sont bien accordés. Sur ce point, la Benelli gagne des points vis-à-vis des japonaises de l’époque. L’éclairage ? Décevant : pas de lampe à iode. Les commandes au guidon sont plus ou moins correctes, les compteurs sont lisibles :

La consommation pour finir est annoncée à 7,9 l /100 km, ça semble beaucoup. L’essayeur fera lui, 7,5 l.
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SIX CYLINDRES POURQUOI ?
Pas de vrais avantages, hormis l’absence complète de vibrations, quelque soit le régime. Par contre, conduire un tel engin est un pur plaisir : au niveau du bruit à l’accélération, mais aussi à celui du pilotage, grâce à sa très bonne tenue de route, et sa vitesse prise… sans s’en rendre compte (L’essayeur évoque une DS…)
La machine se tire impeccablement de toutes les difficultés en fait.
Je cite Moto-J. : « La Benelli a des montées en régime à faire baver l’oreille d’un sourd . »

Autre phrase : « Le « sound » de la Sei sur un circuit sinueux, ça vaut tous les disques des Beatles et les Pink Floyd réunis… » (Hi, hi…) Bon, tout est dit, non ?
Alors, pour qui la « bête » ? Pour la frime en ville ? Bah, pourquoi pas, mais alors attention à l’embrayage, un peu paresseux au démarrage, si on veut se la faire Ago. (Nécessité de le faire cirer. A terme ça pourrait lui nuire.)
Non, la clientèle doit d’abord être riche, et doit aussi aimer les grandes balades sur route, autoroute, et en montagne. Mais gaffe aux radars (Déjà…), et aux chutes, ça peut vraiment coûter. Enfin, quand on est riche, on est riche.
III) Terminons :
Un peu de pub, datée de 1976, soit un an après cet essai :

Et puis quand même il faut être objectif et dire la vérité. (Chose facile, 41 ans plus tard.) Cette vérité n’est pas toute rose : la 750 Sei va s’avérer avec le temps moins idyllique qu’on avait pu le croire. De nombreux défauts apparurent à l’usage, d’abord un problème de fiabilité de certaines pièces moteur (dont le fameux embrayage), dû à des alliages de mauvaise qualité ; ensuite, la belle consommait beaucoup trop d’huile, et souffrit de fuites moteur ; enfin, un circuit électrique défaillant vint s’ajouter à ses malheurs, provoquant x pannes « ennuyeuses ».
Résultat « des courses », la 750 Sei disparut des ventes en… 1977, après deux ans d’existence ! Cruel destin . Il n’en aura été vendu que 3000 exemplaires.
Eh bien les amis, cela n’empêcha pas Benelli de « remettre le couvert », en sortant en 1980 sa grande sœur, la 900 Sei. Cette dernière va s’avérer bien plus fiable heureusement.

Mais bon, on ne fait pas toujours ce qu’on veut. Face à une concurrence japonaise impitoyable, Benelli doit à nouveau fermer ses portes au début des années 80. …Et elle renaît, en 2002, pour finir par être rachetée par le fabricant de motos chinois Qianjiang.
Néanmoins les rênes de l’usine restent dans des mains italiennes . Les machines produites vont s’étager des cylindrées de 50 à 1130 cc, avec notamment de jolis joyaux de modernité. Ah les designers italiens, c’est quelque chose !
*(NDLR: un texte en anglais dans la deuxième planche, fait allusion à mon grand-père paternel, né en Grande-Bretagne, et qui a épousé ma grand-mère française après l'avoir connue en France lors de la guerre de 14-18...
Sans lui je ne serais pas là à vous écrire ces bafouilles... Alors merci Pépé, d'avoir épousé Mémé...)
*A noter aussi que ce petit "reportage" doit dater de 2010. Les motos neuves présentées ont donc bien sûr certainement changé depuis...


Les 100 ans de la marque furent fêtés il y a cinq ans:
http://www.moto-net.com/actualites-moto ... ernet.html
Souhaitons une longue vie encore à Benelli, avec plein de machines à faire rêver, comme les devenues légendaires 750 et 900 Sei.
Allez, un dernier coup d’œil à la 750 à six pattes, car elle vit toujours, dans les musées, mais pas seulement, aussi chez des collectionneurs amoureux de belles choses. Comme je les comprends…

