Je citerais le grand penseur Stéphane Bern : "Comment ça va bien ?"
Pour ma part, ça roule. Normal pour un motard me direz-vous. Même si en ce moment, j'ai un peu honte de l'avouer, je fais un peu mon motard du dimanche... Je roule pas des masses quoi. Le travail, l'arrivée d'un chiot... Bref, je vais pas m'étaler ici vous que vous n'êtes pas psy et que c'est pas c'qui vous intéresse.
Mais tout cela ne m'a pas empêché de faire un petit essai sur le pouce. Une Buell XB 12 R Firebolt de 2007 toute noire, arborant joyeusement 9500 km, et proposée à un tarif défiant toute concurrence.
Bon, je vais pas vous la faire à l'envers comme la dernière fois : cet essai a été réalisé dans le but de trouver une remplacante à mon fier R1 que j'adore, mais qui n'est vraiment pas fait pour la route. Je ne suis pas neu-neu, je le savais en l'achetant. C'est même pour cette (dé-)raison que je l'ai acheté. Mais sa puissance, même bridée est réellement inexploitable sur route ouverte (130 km/h en 1ère à l'approche de la zone rouge, vous rendez-vous compte ?!). Et vu que je trouve ni le temps ni l'argent d'aller frotter du slider sur piste...
Donc tout ça pour dire que j'ai décidé de m'en séparer. Et j'ai décidé aussi de taper dans le fun immédiat : soit un super-motard, soit une autre sportive mais en bi-cylindre.
A tout seigneur tout honneur, j'ai tout d'abord lorgné du côté des Ducati, comme j'avais pas mal adoré la 848 essayée il y a une paire d'années. Mais les récentes sont encore trop chères et les anciennes ne sont pas réputées pour leur fiabilité, d'après ce que j'ai pu lire à droite et à gauche.
Quand aux super-mot, soit c'est un vieux Honda XR tapé, soit un Suzuki DR (mais c'est Suzuki), soit un KTM. Là je dis oui. Mais les autrichiens s'imaginent que tout le monde mesure 1m90, et surtout ça reste aussi cher. Mon but étant la reprise du R1 + léger complément de ma part, mon budget n'est pas extensible...
Et puis j'ai trouvé cette Buell. Déjà, Buell, j'adore. J'avais essayé un XB 12 S, le roadster quoi, et le caractère m'avait bien plu. Un bon gros moteur Harley 1203 cm3 dans un chassis ultra réactif, c'est plutôt marrant dans le concept et dans la pratique.
Pour les ceusses qui ne s'intéresseraient pas trop aux ricaines, un petit rappel des faits. Erik Buell, ingénieur de son état, travaillait pour Harley-Davidson. Il a ensuite développé et commercialisé des motos à moteur HD en affinant son crédo au fil des modèles : centralisation des masses et réduction des masses non suspendues. Cela se traduit par un chassis "super carré" avec un angle de chasse trèèèès réduit (fourche presque à la verticale), un gros moteur avec échappement qui sort juste en dessous, réservoir d'essence intégré au cadre et réservoir d'huile intégré au bras oscillant et enfin disque de frein avant périmétrique. Le tout donne une bécane très courte, avec un look de pit-Buell. Pour la petite histoire, Harley a racheté Buell avant de la liquider suite à la crise.
La Firebolt est le modèle sportif de la gamme. Reprenant toutes les spécificités pré-citées, elle est équipée de demi-guidons, de commandes reculées, d'un capot de selle et d'un tête de fourche.
Celle que je m'apprète à chevaucher est donc un modèle 2007 (dernière année de production), d'origine jaune repeinte intégralement en noir et n'ayant roulé que quelques petits 9500 km.
Je vous passe les détails de discussion avec le vendeur. Bref, il la sort, je mets le contact, balai des aiguilles du compteur et du compte-tour, et j'appuie sur le démarreur. Le V-Twin s'ébranle ; la Terre tremble. La bécane danse le twist au point que j'ai peur qu'elle tombe de sa béquille ! Le ralentit se cale et le moteur chauffe gentiment pendant que j'en fais le tour.
Elle est noire. Ca je l'ai déjà écrit. Elle est ramassée. Je l'ai écrit aussi, mais en vrai c'est un vrai cube. Y'a rien qui dépasse. La finesse des rayons de jantes est bluffante ! Le tête de fourche à yeux de poisson ne détonne pas autant que les photos peuvent le laisser penser. Mais je doute qu'il protège véritablement le pilote. Ensuite le gros moteur est bien dissimulé par les conduits d'échappement d'un coté et par des carters de l'autre côté. M'est avis que ça doit chauffer là-dedans... Surtout que tout n'est refroidi que par air/huile avec ventilateur. Le cylindre arrière doit prendre cher ! Ensuite, la roue arrière entrainée par courroie renforcée, surmontée par le p'tit cul coqué (la selle passagée est intégrée sous cette coque).
Pour ma part, j'adore ce look de brute épaisse !
Le pom-pom des gamelles étant maintenant régulier, je décide d'enfourcher et de partir.
La position, c'est "sport-crapaud". C'est à dire que mes petites gambettes sont bien repliées vers l'arrière. Je suis penché en avant, les bras tendus jusqu'aux demi-guidons. J'attrape l'embrayage souple et dosable au poil, et m'apprète à passer le 1er rapport à coup de talon vu que les qualificatifs qui reviennent le plus souvent au sujet des boites Buell sont plutôt du domaine agraire... Et bien pas du tout mes enfants. Ca passe et se verrouille nickel. Comme quoi, y'a des mauvaises langues...
Alors tout d'abord, la circulation. Et bah c'est très bien. Le gabarit de l'ensemble permet de se glisser dans un mouchoir de poche ; les demi-tours ne sont qu'une formalité. Ca change d'avoir une sportive à bracelets qui braque ! Non seulement la finesse de la moto permet de se glisser entre les voitures, mais le bruit qui s'échappe de l'échappement les fait se pousser. Moïse devant la Mer Rouge les aminches ! L'embrayage à cable est vraiment top et les rapports passent toujours aussi bien. Juste je sens qu'il faudra quand même oublier les passages à la volée... Pas exagérer non plus...
La pièce maitresse : le moulin. Pour en revenir aux qualificatifs agricoles : ça tracte ! Et fort même ! Un bi-cylindre : déjà. Mais de 1203 cm3 ! 11.1mkg qu'il y a à 6000 trs/mn. Il ne doit pas y avoir à beaucoup l'aider pour qu'elle lève sa roue avant la petite
Le freinage ensuite. Le frein arrière ne sert à rien. Ca, c'est fait ! Celui de l'avant fonctionne trèèèès bien et trèèès fort. Parfaitement dosable, il provoque juste 2 choses pas agréables : il redresse la moto (la faute au disque périmétrique) et fait plonger l'avant exagérément. Bon, la fourche étant réglable dans tous les sens, je devrais pouvoir corriger ça.
Le confort enfin. Et bien je suis très bien. L'assise est bien moelleuse pour une sportive. La selle n'est pas hyper fine à l'entre-jambe mais la faible hauteur de selle me permet de poser les pieds à plat sans problème. Mon petit mètre 70 est assez à l'abri derrière la microscopique bulle et je déhanche facilement lors des courbes que j'aborde maintenant en arrivant sur une voie rapide.
Je vais voir ce que ça fait de passer la 3, la 4 et la 5. Je rentre sur la voie d'accelération en courbe. La machine a un peu tendance à tomber en virage mais une fois calée, elle ne bouge plus. J'accélère : putain ça envoie grave dans un barouf d'enfer ! L'aiguille grimpe vers la zone rouge sans non plus s'emballer, mais avec vigueur, sûre d'elle. Faut vite changer de rapport avant le rupteur ! Ca change du 4 pattes ! Mais l'allonge est parfaite je dirais : ni trop courte ni trop longue. Et puis ce genre de moulin n'aime pas flirter avec les stratosphères du compte-tour de toute façon. Et moi, ça me convient très bien. Changement de rapport : rapide juste ce qu'il faut, aidé d'un "léchage" de poignée d'embrayage.
A chaque changement de rapport, la poussée reprend sans discontinuer. Je pousse à un petit 140 km/h pour voir puis me remet aux 90-100 réglementaires sur cette voie. Et je me rends compte que le 5ème et dernier rapport n'est qu'un over-drive. Lui, il ne pousse pas autant que ses petits frères : il fait juste baisser la conso.
Je suis bien. A cette vitesse je profite du paysage. Enfin, des murs anti-bruit qui jalonnent cette nouvelle rocade nord-sud à Tours. Je veux doubler ? OK. Mode calme, je reste en 5 et tourne la poignée. En mode énervé, je tombe 2 rapports et me satellise. C'est au choix.
Je décide de rentrer à la concession puisque je trouve que j'en sais assez.
Le bilan :
+ look génial (pour ceux qui aiment comme moi)
+ moteur au gros coeur avec juste 100 CV en full et 11.1 mkg de couple
+ freinage au top (après réglage de l'amortissement)
+ confort plus qu'appréciable pour une sportive
+ maniabilité de vélo
+ légèreté ressentie malgré quelques 210 kg tous pleins faits grâce à la centralisation des masses
+ silence d'utilisation et propreté de la courroie (pas d'entretien)
+ collector depuis mort de la marque
- protection "pour dire"
- duo à peine imaginable
- frein avant qui fait se redresser la machine -> conduite coulée à adopter grâce au frein moteur
Donc après négociation, j'ai quelques jours plus tard laissé mon R1 (19500 km, flan de carénage à changer et révision des 20000 à faire) + une petite somme d'euros et je suis reparti avec la ricaine sus-essayée (9500 km et prochaine révision à 16000).
Et je m'éclate. Elle est vraiment parfaite à tous MES points de vue. Totalement exploitable sur route, elle pousse grave, est maniable et freine fort. Il est clair que je ne l'imagine pas rivaliser avec les bombes nippones sur circuit, mais je la vois très bien tirer son épingle du jeu lors d'une petite bourre entre potes sur petite route viroleuse.
Des photos très bientôt !
Y a que les retros de 205 ou je suis pas trop fan 
Bravo pour l'achat !